Bonjour à toutes et à tous






" le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain"
Roland Dorgelès







samedi 14 janvier 2012

Cinquième papier : "LE" départ



7 décembre 2011, nous voici arrivés au Havre, aire du port de plaisance.

Il pleut, il vente et il fait froid aussi, la météo une fois de plus n'est pas avec nous lors d'un grand voyage et les 2 journées à passer ici avant l'appareillage du Grande Francia ne devraient pas être «au beau fixe» non plus !! Compte tenu de ce que nous avons à préparer pour notre embarquement ce mauvais temps ne nous sera pas pénalisant, hormis peut-être pour une visite rapide de la ville.

Une fois donc installés sur cette aire d'accueil située à mi-chemin du port de plaisance et du port marchand, consigne nous fut donnée de prendre contact avec les "opérations" de GRIMALDI, ce que je m'empresse de faire. Mon interlocuteur attendait visiblement cet appel pour nous communiquer quelques informations dont le fameux « point d'embarquement » et nous préciser les modalités administratives prévues à ce premier lieu de RDV, tout est bien noté mais ne connaissant pas cette grande ville qu'est Le Havre et donc son immense port, je lui demande les points GPS du lieu.

Le port du Havre ne ressemblant pas à ceux plus petits de Dieppe, de Calais et de certains autres ports étrangers que maintenant nous commençons à connaître je décide, pendant que Marie-Agnès s'affaire à d'autres tâches, d'aller à pied à la capitainerie pour visualiser si possible 'sur plan' le trajet que nous aurons à suivre dans moins de 36h maintenant.

Ma préoccupation première étant d'éviter les nombreux passages à 'hauteur limitée' que pourrait nous faire faire, en pleine nuit, un éventuel parcours initiatique destiné à l'apprentissage d'un nouveau docker, la charmante dame de l'accueil me donne un plan très détaillé de ce 'méga' port et, cerise sur le gâteau, en plus de ses charmants sourires, me surligne le trajet a effectuer.
N'en espérant pas tant je la remercie vivement.

Revenant tranquillement sur mes pas l'envie me prend alors de déambuler parmi les quais alentours. C'est vraiment impressionnant de voir ce 'ballet' vivant qui s'agite tout autour de soi. Réglé avec minutie et rythme soutenu il ne cesse de se produire comme agrippé à ces navires, déchargeant et chargeant son savoir faire.

Cette superbe prestation, dirigée et épaulée par de volumineux et puissants engins savamment manœuvrés par grutiers et autres dockers pourrait certainement faire l'objet d'un plan de film. Pénétrons donc dans cet imaginaire qui me plaît de vivre quelquefois : cette atmosphère environnante - froide, grise, pluvieuse - associée à cet incroyable ballet - ferait certainement le bonheur d'un Hitchcock pour son ambiance ou d'un Chaplin pour sa précise mécanique…

Le lendemain, veille de notre embarquement, la réalité est toute autre !!

Plus question d'imaginaire, Il faut être actif…
Comme nous le sommes tous deux, ce qu'il reste à faire est vite réglé mais l'attente, cette fichue attente d'avant un départ se montre maintenant bien constante et pesante…. vivement le lendemain 9 décembre, levé à 4h30.

Enfin le réveil sonne.
Petit déjeuner rapide, douches rapides, derniers préparatifs rapides (cassette, vidange EU) et derniers arrimages de tout ce qui pourrait tomber durant ce long voyage maritime.

Diverses choses importantes a ne pas oublier pour ce type de traversée : ouvrir et fixer la porte du frigo (dégivrage la veille), fixer la pomme de douche et surtout fermer la bouteille de gaz sans oublier de vider les circuits associés.

Pour le porteur n'oubliez pas aussi d'enlever les enjoliveurs car tous les véhicules sont fixés au sol par sangles, celles-ci étant accrochées aux jantes directement.Ces dernières actions 'gaz et enjoliveurs' étant effectuées juste avant l'embarquement.
 
A 7h précises (le trajet conseillé sur plan s'étant révélé parfait) nous nous trouvons au point de RDV, il s'agit d'un local ou 2 gardes armés (il ne semble pas que nous ayons affaire à des gendarmes) nous reçoivent avec sympathie, contrôlent les papiers et prennent un peu de temps a discuter avec nous.

Tout est parfait sauf que …. je vous le donne en mille …. le bateau n'est pas encore arrivé. Après quelques appels téléphoniques passés à divers endroits, on apprend que le retard sera de quelques heures…. On se gare donc sur un emplacement que nous indique ces messieurs et on attends.

 
Il fait froid, j'actionne le chauffage mais pas question de se servir des toilettes… compréhensifs ces 'militaires' nous permettent d'utiliser les leurs si besoin. Très peu de temps après notre arrivée un véhicule est en approche lente sur la guérite. A la vue de l'engin et de ses occupants nous pensons que se seront nos compagnons francophones de voyage… bingo c'est bien cela, ils partent aussi pour Buenos-Aires….
 
Nicole et Michel sont Varois, bien contents d'arriver eux aussi à bon port. On fait très rapidement connaissance sur ce parking bien tristounet à cette heure, toujours venteux, froid et bien sur … pluvieux.

A 11h nous avons l'autorisation de pénétrer en zone portuaire afin de rejoindre feux de détresse allumés (sur ces immenses espaces les gens circulent à 'fond'.. et c'est la réalité!!) un certain quai ou le Grande Francia doit s'amarrer.
On arrive en même temps que le bateau.

Nous le suivons visuellement car il est vraiment imposant, nous longeons des parkings immenses ou sont stockés d'innombrables containers et garés des milliers de véhicules de toutes sortes : voitures, camions, bus, engins agricoles etc. Il stoppe enfin ces machines et aidé par 2 remorqueurs il s'arrime à un très long quai bardé de monstrueuses grues. Quel navire!!!!

Une quinzaine de minutes après son immense porte arrière se déploie tout doucement laissant progressivement apercevoir son gigantesque intérieur. Toutes les manœuvres de sécurisation effectuées, deux membres d'équipage viennent alors vers nous, nous accueillent et nous informent du déroulé de notre embarquement.

Il est 13H30, le soleil perce enfin l'épaisse couverture nuageuse et un ciel bien bleu, un magnifique bleu, envahi l'espace havrais.

Le steward, se prénommant Ariel, Philippin comme la plupart des membres d'équipage, nous prends tout sourire en charge. Il n'hésite pas a se barder de 3 de nos énormes bagages et nous le suivons tous quatre, chargés d'autres affaires, vers une autre personne qui s'empresse de boucler nos dernières formalités.

Celles-ci maintenant terminées nous suivons notre toujours souriant Ariel vers un ascenseur bien trop petit pour nous cinq et nos bagages. Après trois voyages dans cet engin au… 12ème pont… nous nous installons confortablement dans notre cabine que tout de suite nous trouvons bien proportionnée et fonctionnelle.

Ariel nous informe alors que nous n'avons pas a nous inquiéter pour notre Pégase resté sur le quai… qu'il est surveillé et que l'on verra son embarquement plus tard - la priorité des membres de cet équipage étant, pour toute cette fin de journée, la nuit à venir et la matinée du 10, la supervision d'une importante manutention liée au complément de chargement du Grande Francia.

Nous précédant ensuite il nous amène d'un pas alerte le long d'étroites coursives jusqu'à la salle de restaurant ou nous faisons la connaissance du cuisinier. Ariel et Mario (c'est le cuistot) s'inquiétant alors de savoir si un petit casse croûte pouvait nous faire plaisir - notre réponse étant positive - c'est en l'espace de quelques minutes que nous nous retrouvons convenablement installés autour d'une grande table déjà dressée et bien garnie.

En guise de casse croûte, c'est carrément un petit repas qui nous est servi… J'ai soudain la vague impression que nos sveltes lignes vont en prendre un sérieux coup durant cette traversée!!!!
La fin d'après midi est consacrée à l'installation.

19H30 premier repas officiel.
Ce que je viens d'écrire ci-dessus semble se préciser : 1 entrée, 2 plats, dessert et café, le tout arrosé d'un vin de table italien. C'est donc dès à présent quasiment sûr, la table sera certainement copieuse!!!
Nous faisons durant ce repas connaissance des autres passagers, 2 couples d'Allemands et 1 couple d'Italiens, tous embarqués à Hambourg.

La langue anglaise est de rigueur à bord car, pour l'équipage, les 10 passagers que nous sommes et les diverses consignes qui devront être appliquées durant toute la durée de ce voyage, seule cette langue sera utilisée. Heureusement que nous sommes 4 français, nous pourrons délirer et refaire le Monde dans notre belle langue le reste du temps.

Cette salle de restaurant, pompeusement nommée 'mess des officiers' est composée de 3 grandes tables rondes assignées aux passagers et d'une table rectangulaire ou, selon leur 'quart', les officiers du bord, Italiens ou Philippins, prennent leurs repas. Le Commandant, entre aperçu pour l'instant est secondé par l'une des personnes venues nous accueillir sur le quai : nous ne pensions pas à ce moment là avoir comme interlocuteur le 3ème officier du bord. Ce dernier, d'un abord extrêmement chaleureux, se portant bien et du style 'au boulot on bosse, à l'extérieur on s'éclate et à table on fait honneur à sa "garniture", s'était présenté à nous sans galons, décontracté et jovial, la blague facile.

Les autre officiers sont au nombre de 4, leurs fonctions réelles m'étant inconnues pour l'instant, nous en parlerons peut-être un peu plus tard. Le reste de l'équipage est composé de 20 personnes dont Ariel et Mario, tous Philippins… sauf Mario lequel, vous l'aurez deviné, est de nationalité Italienne.
A 21h coup de fil dans la cabine, on me demande de descendre au pont 3 (pont correspondant au 'rez de chaussée', le pont 2 étant la machinerie, les ponts 1 et zéro les cales) pour conduire Pégase au pont 6.

Ce bateau étant immense c'est par une rampe d'accès bien droite et pentue d'environ 20% qu'il faut y accéder. Je commence lentement la montée. Arrivé sur le pont indiqué ce n'est que dockers excités et agents divers que je rencontre, tous affairés sur cet immense plateau a arrimer pour les premiers diverses cargaisons dont des centaines de véhicules et pour les seconds noter, contrôler et/ou vérifier tout ce fret hétéroclite en partance pour Dakar, Freetown, Vitoria, Rio de Janeiro, Santos, Buenos Aires et Zárate, ultime étape de ce voyage.

On me guide pour me garer et on m'informe aussi que je serai de nouveau appelé pour déplacer Pégase dans le courant de la nuit, le navire devant changer de quai pour encore charger d'autres véhicules et containers… No problem car comme un gosse émerveillé je suis tout content de voir cet impressionnant spectacle… ; Je remonte en cabine accompagné d'un membre d'équipage.
 
Marie-Agnès, déjà couchée, n'arrive pas a trouver le sommeil. Je l'informe de ce que je vais devoir faire dans la nuit et vais passer quelques instants à l'extérieur. Il fait nuit noire au Havre mais le port est illuminé de milliers de lumières, ce qui le rends tout simplement superbe, presque féérique!!
Curieux je m'aperçois alors qu'il y a un p'tit 13ème pont.

J'y monte par un escalier extérieur et hésite a pénétrer dans ce qui s'avère être le poste de commandement. Un officier me voyant sous la pluie (car de nouveau il pleut) m'invite alors à y entrer. Ne voulant pas déranger il me dit que c'est avec grand plaisir qu'il me reçoit et que cela nullement ne le gêne. Ils ne sont que 2 personnes au 'quart', la salle est très grande, facilement 100m2 et comme vous avez pu certainement le voir dans certains films, ces endroits, plongés dans le noir (non éclairés la nuit plus exactement), sont très bien instrumentalisés : divers scopes, tables à cartes, matériel météo, appareils de navigation, pilote automatique etc. etc..

Cet officier, pas avare d'informations, réponds avec précision à toutes mes questions, on le sent super passionné…
Après quelques instants, autorisé à venir quand je le souhaiterai à 'la passerelle', je le laisse à sa méticuleuse tâche.
J'y reviendrai souvent durant ce voyage, c'est plus que sûr.

A 1h du matin le 10 le coup de fil attendu arrive pour déplacer une nouvelle fois Pégase.
Tel le nouveau mousse je file vers l'ascenseur et me retrouve au pont 6... Ma mission, si je l'accepte (car un docker peut le faire à ma place), est de descendre Pégase sur ce nouveau quai Havrais et d'attendre avec lui le feu vert de son ultime déplacement. A la vue des dockers maniant les véhicules, Pégase étant à "driver" avec délicatesse, je préfère attendre, étant en plus très intéressé par tout ce qui se passe….
 
Après seulement 1h à regarder dans la nuit ce petit monde s'affairer aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur sur cet immense quai, on m'indique qu'il me faut regagner le pont 6.

Une fois Pégase bien garé, immobilisé entre un immense engin agricole, style moissonneuse batteuse et un camion pour 'Dakar', il est tout petit et semble bien malheureux une fois sanglé sur ce sol métallique et froid.. je lui promets de venir le voir de temps en temps - ce n'est peut-être qu'un véhicule mais après plus d'un an maintenant de vie commune.. on s'attache.

L'appareillage s'effectue comme prévu le 10 pour sa première étape Dakar prévue le 17.
Maintenant notre Yacht est bien en route, ses 214m et 26 membres d'équipage rien que pour nous 10...

ARRIVEE A BUENOS AIRES

Le 8 janvier 2012 - 6h30

BONNE ANNEE A TOUTES ET A TOUS

Voici deux jours que nous mouillons au large de Montevideo à 250 Km de BA et enfin le feu vert est donné au Cdt pour rejoindre notre port d'arrivée, futur port de départ enfin pour notre grand tour sud-américain….

Tout le monde (les pax) en ont assez maintenant car le voyage est vraiment long. Bien qu'à bord tout se soit bien passé (voir textes de Marie-Agnès), c'est vraiment, vraiment long…. C'est cependant quelque chose d'inoubliable à vivre car ce n'est pas banal du tout et c'est assez exceptionnel de faire une si grande ballade sur un si immense navire de commerce.

L'arrivée est prévue vers 19h, accostage 21h et débarquement demain matin 9 janvier vers 9h (13h, heure de Paris).

Avant l'arrivée nous avons pu brancher électriquement les véhicules dotés de batteries à décharge lente, nettoyer les panneaux solaires et préparer nos montures.

Aucun dégât constaté et nous n'avons pas eu de difficultés pour descendre les voir (à tous moments) et les surveiller si besoin à l'escale de Dakar. Pour notre part nous n'avions pas installé de séparation entre la cabine et l'espace vie, les autres non plus.